Le gisement, une spécificité lourde de conséquences!
Considérons une activité industrielle quelconque, par exemple une entreprise qui fabrique des cannettes métalliques pour des boissons. Cette entreprise achète une matière première, en l'occurrence de l'aluminium ou de l'acier, transforme mécaniquement cette matière première, et revend des cannettes De la même manière, une fonderie achète des concentrés, réalise la fusion, et vend du métal pur ou assez pur pour être considéré comme tel.
Si nous comparons à une entreprise minière, nous constatons immédiatement une différence: la mine n'achète pas une matière première qu'elle transforme. La matière première est dans le gisement, et le gisement appartient à l'entreprise. Le gisement est la première particularité, et elle est lourde de conséquences.
Revenons à notre industrie qui fabrique des cannettes. S'il s'avère que les cannettes de forme hexagonale ont une valeur ajoutée supérieure à celles de forme cylindrique, rien n'empêche de fabriquer des cannettes hexagonales, et de les vendre à un autre prix à d'autres clients. Une entreprise minière, au contraire, ne peut, le plus souvent, fabriquer qu'un seul produit (son concentré), et le vendre à un seul prix, celui fixé par le marché mondial des matières premières.
Finalement, nous verrons que l'industrie minière est une industrie à haute intensité capitalistique, et qu'elle intéresse souvent plus particulièrement l'Etat.
Une localisation imposée
Si on examine l'implantation géographique des usines de valorisation du minerai, il apparaît que celles-ci se situent bien souvent en bord de mer, à proximité immédiate de grands ports. Il ne s'agit pas là d'un effet du hasard. Une implantation de ce type est choisie pour diminuer les coûts de transport des concentrés achetés d'une part, et des métaux vendus d'autre part, mais elle est aussi choisie pour profiter des infrastructures qui existent à proximité du port (infrastructures routières et ferroviaires, approvisionnement en eaux, en énergie, ...).
Dans le cas d'une exploitation minière, nous sommes à l'opposé de cette situation. Pour exploiter un gisement, il faut être sur place. On ne peut créer la mine proprement dite qu'à l'endroit où se trouve le gisement. On pourrait encore envisager d'implanter l'usine de traitement ailleurs, mais les coûts de transport du minerai seraient alors exorbitants.
Malheureusement, la plupart des gisements se trouvent dans des zones isolées, loin des infrastructures existantes (par exemple Bou Azzar, Bleïda...). Il faut alors créer ces infrastructures, c'est-à-dire:
•l'accès au site minier (pour les personnes, les matériels, les consommables, pour l'expédition des concentrés, ...), ce qui suppose la construction de routes, de voies de chemin de fer, de pistes d'atterrissage, ...;
•l'approvisionnement en énergie, qui suppose soit la réalisation de postes de transformations et la construction de lignes pour se connecter au réseau existant, soit la construction d'une centrale sur place;
•l'approvisionnement en eau, qui suppose soit la construction d'une conduite pour se relier à une source d'eau existante, soit la recherche d'eau sur place avec réalisation et équipement de sondages;
•les liens avec le monde extérieur (internet, téléphone, fax,...);
•la construction d'une cité minière, lorsque les villes existantes sont trop éloignées.
Toutes ces infrastructures représentent évidemment un investissement important, dont une partie au moins est à la charge de l'entreprise minière. L'état peut dans certains cas accepter de prendre en charge une partie des investissements, dans la mesure où ceux-ci peuvent aider au développement des infrastructures générales du pays, ou d'une région.
Une industrie à risques
En dehors de sa localisation, le gisement présente une autre caractéristique importante: il n'est jamais parfaitement connu. Pourtant, lorsqu'on veut évaluer la valeur d'un projet minier, on est obligé d'une part de fixer le tonnage des réserves disponibles et la teneur moyenne de ces réserves, et d'autre part d'arrêter des choix techniques tels que la méthode d'exploitation et la méthode de traitement pour ne prendre que les plus évidents.
Ces choix ont une importance cruciale sur les résultats de l'évaluation économique (la recette générée par l'exploitation d'une tonne de minerai est proportionnelle à la teneur de cette tonne). Mais quoi qu'on fasse, ces choix comprennent une certaine incertitude.
L'histoire minière donne de nombreux exemples très parlants en ce qui concerne cette incertitude :
Prenons la mine de St Salvy, par exemple Cette mine, aujourd'hui fermée pour des raisons économiques, était située dans le sud de la France. Elle exploitait
du zinc. Elle avait été mise en exploitation par Penarroya après une campagne de sondages réalisés depuis la surface, et après la réalisation d'un puit et d'une galerie de niveau située en gros à 250 m de profondeur. Cette galerie, d'une longueur de 1500 m, était minéralisée sur 80 % de sa longueur, soit sur 1200 m. Les données de sondage ne contredisant pas cette hypothèse, on a admis que l'on avait 1200 m minéralisés, sur 450 m de hauteur et une puissance moyenne de 3m. Ceci conduisait à environ 5Mt de réserves, à une teneur moyenne de 9 %. L'exploitation a commencé en tranches montantes à partir de la galerie de prospection. Dès la première tranche, il s'est avéré que la longueur minéralisée était beaucoup plus faible que prévue, en fait un peu moins de la moitié de ce qui avait été prévu. Ce point a été confirmé par la suite, puisque sur le gisement de St Salvy proprement dit, seuls 2 Mt ont été exploités ! Par bonheur, une partie des réserves était beaucoup plus riche que prévu, et la teneur moyenne finalement exploitée est de 13 %.
L'exploitation de potasse du Congo donne pour sa part un bel exemple d'incertitude sur le choix de la méthode d'exploitation. Une campagne de sondages de surface avait été réalisée à maille régulière. Tous ces sondages avaient recoupé la couche de potasse à la même profondeur. Sachant que le gisement est d'origine sédimentaire, et que l'on connaît des gisements de potasse parfaitement plats par ailleurs (les mines de potasse d'Alsace, par exemple), les études d'ingénierie ont été faites sur la base d'un gisement parfaitement régulier et plat. La méthode d'exploitation a été définie, et les équipements achetés. Malheureusement, dès que l'on a commencé à travailler dans le gisement, il s'est avéré que le gisement ne se présentait pas du tout tel que prévu. En fait, la région comprenait de multiples accidents tectoniques (des failles), entre lesquels on trouvait des panneaux de gisements pentés. Le hasard a voulu que la maille de sondage corresponde en gros à l'espacement entre les failles, et que donc tous les sondages coupent le minerai à la même profondeur. De fait, on n'avait plus affaire à un gisement parfaitement continu et horizontal, mais à un ensemble de panneaux, tous pentés. En conséquence, les équipements prévus pour l'exploitation n'étaient pas bons. Ils ont dû être abandonnés, L'ingénierie de la mine refaite, et de nouveaux équipement ont été achetés ! (et comme un malheur n'arrive jamais seul, cette même mine a été totalement noyée quelques années plus tard).
Après un exemple de risque réserves (l'évaluation des réserves de St Salvy), nous venons de voir un exemple de risque technique lié à la méthode d'exploitation. Finissons sur un exemple de risque technique lié à la méthode de traitement. Il s'agit de l'ancienne mine de tungstène de Salau, dans les Pyrénées, en France. Cette mine exploitait de la schélite (WO3Ca), qui a la particularité de pouvoir être prospectée aux ultra-violets. Il découlait des études géologiques que la minéralisation était relativement grossière, et qu'en conséquence, 80% du tonnage pourraient être traités par gravimétrie, et seulement 20 % nécessiteraient une flottation. L'usine de traitement a donc été construite sur cette base, et du fait de la topographie locale (L'exploitation se situait dans les Pyrénces), il a fallu la construire en souterrain, dans les montagnes, dans un espace confiné. Très rapidement après le démarrage de l'exploitation, il est apparu que le minerai était beaucoup plus fin que prévu, et qu'en fait il faudrait en traiter 80 % par flottation, et seul 20% pourraient être traités par gravimétrie. En conséquence, il a fallu modifier, et surtout agrandir, une usine souterraine!
Des ressources finies-Une durée de vie limitée!
Une exploitation minière a toujours une durée de vie limitée, du fait que le gisement est toujours fini. La plupart des gisements sont déjà limités par la géologie. Les gisements en exploitation ont des limites géologiques. Tôt ou tard, l'exploitation aura atteint ces limites, et les mines s'arrêteront.
Il existe bien quelques gisements dans le monde, de fer par exemple, qui semblent infinis d'un point de vue géologique. Mais on a alors une limitation économique, le plus souvent due à l'approfondissement de la minéralisation. Cette caractéristique de finitude distingue elle aussi l'exploitation minière des autres industries. On peut raisonnablement penser que les hommes consommeront encore du coca-cola (ou d'autres boissons) dans des cannettes métalliques dans cent ans, mais il serait déraisonnable d'imaginer que la mine de Guemassa existera encore dans cent ans (du moins pour l'exploitation du zinc).
La finitude du gisement joue un rôle très important dans la sélectivité. On peut déjà le sentir, en considérant que si les réserves étaient infinies, il n'y aurait pas à s'interroger sur la teneur minimale à laquelle on exploite. Il n'y aurait qu'à exploiter le plus riche !
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